Article publié dans La gazette de la faune sauvage (Facebook)
15 août 2025
L’autre fois, un charmant internaute m’a adressé la délicieuse phrase qui suit :
"Pauvre con, donne-moi la liste des espèces qui disparaissent à cause de la chaleur. Tu peux pas : y’en a pas."
Permettez-moi donc, chers membres, de vous parler de ce petit oiseau migrateur : le Gobemouche noir.
Nulle livrée flamboyante, nul chant envoûtant : c’est un discret animal.
Un petit groupe de ces oiseaux est venu faire halte pour un petit bain bien mérité, avant de reprendre sa migration nocturne.
J’en ai profité pour causer. Les oiseaux m’apprirent qu’ils venaient d’un peu partout et qu’ils redescendaient vers l’Afrique après la saison des amours.
Je leur demandai si cette saison avait été bonne. Ma surprise fut complète lorsqu’ils m’annoncèrent que chaque nouvelle année se révélait plus incertaine que la précédente.
Lorsque je les questionnai, ils me dirent les choses suivantes :
— Vois-tu, me dit l’un deux, à travers les âges nous avons appris à quel moment nous devions quitter l’Afrique pour rejoindre vos contrées au bon moment. Former un couple, construire un nid, y pondre des œufs, tout cela était jusqu’ici parfaitement synchronisé avec le pic d’abondance en insectes, et notamment en chenilles, dont nous nourrissons nos juvéniles.
— Là où le bât blesse, dit l’autre, c’est qu’avec le dérèglement climatique, les chaleurs arrivent de plus en plus précocement. Alors, les chenilles se transforment plus tôt en papillons. Résultat : lorsque nos juvéniles naissent, le pic d’abondance est passé.
Je les interrogeai sur les conséquences de ce fait fâcheux. Ils m’apprirent que leurs juvéniles étaient de plus en plus nombreux à mourir de faim.
— Mais nous ne sommes guère les seuls à être touchés par les conséquences du dérèglement climatique : lors des épisodes de fortes chaleurs, les hirondelles peinent à bâtir leurs nids, et lorsqu’elles y parviennent, la chaleur est telle qu’elle fragilise leur structure, faite de boue.
— Alors, ces années-là, il n’est pas rare que les nids se décrochent, entraînant la perte des nichées.
Finalement, je devinai que les conséquences du dérèglement climatique sur les espèces étaient sournoises, car invisibles à nos yeux d’humains.
Dans le contexte actuel, où la désinformation est massive, où la science est mise de côté au profit de publications simplistes sur les réseaux sociaux, prendre le temps d’étudier les faits et d’en comprendre les mécanismes n’est plus à la mode.
Tout doit être immédiat, tout doit faire réagir.
Mais la vérité, elle, n’est pas immédiate. Elle nécessite du temps et de l’intelligence pour être appréhendée. Tout ce qui fait défaut, aujourd’hui, sur les réseaux sociaux.
Alors je réponds à cet internaute qui, comme beaucoup, n’a pas l’honnêteté intellectuelle de se renseigner sérieusement avant de l’ouvrir :
Oui, le dérèglement climatique fragilise les espèces animales.
Non, il ne fait aucun doute que des espèces commencent à disparaître à cause de cela.
Les périodes de variations climatiques naturelles se déroulent sur des millions d’années : les espèces ont, dans ces cas-là, le temps de s’adapter.
150 ans, ce n’est pas assez lent pour que l’évolution fasse son travail.